Commerce illégal d’espèces protégées : les bonnes pratiques

Le commerce d’animaux et de plantes menacés d’extinction est réglementé avec précision. Mais sur le terrain, comment policiers et douaniers peuvent-ils intervenir efficacement ?

 



Premières mesures à prendre


Lorsque l’intervenant est confronté à une espèce en voie de disparition, au cours d’un contrôle, il devra tout d’abord déterminer de quel spécimen il s’agit. À cette fin, il interrogera le détenteur et vérifiera l’origine légale des certificats ou des preuves. Le registre « IN – OUT » doit également être consulté.


Le site web www.speciesplus.net est utile lorsqu’on doute quant à l’annexe concernée. Pour rappel (voir article précédent), l’annexe A reprend les spécimens dont la survie est immédiatement menacée, tandis que l’annexe B vise les espèces qui doivent être protégées mais dont l’extinction n’est pas imminente. Sur base du nom latin ou anglais, le fonctionnaire de police ou des douanes peut identifier le statut de l’espèce.


En cas de doute quant à la nature exacte de l’espèce, l’intervenant peut saisir les animaux sur place. Il prend des photos et invite le détenteur à prendre acte de cette décision. Le verbalisant a alors le temps de s’informer davantage auprès du service CITES sur le spécimen en question. Dans de nombreux cas, l’avis du responsable d’un refuge pour oiseaux ou un inspecteur de l’Agence Nature et Forêts (ANB) peut également être décisif.





Non régularisable ? Intervenir de manière déterminée !


En cas d’infraction manifeste (non régularisable), le fonctionnaire doit saisir tous les spécimens trouvés. En général, il s’agit d’une saisie administrative (art. 6 loi du 28/07/81), mais lors de la découverte d’un grand nombre d’animaux vivants, il est recommandé de contacter le magistrat de service pour évaluer l’opportunité d’une saisie judiciaire.


Lorsque le policier constate des infractions, il établit un rapport. Il précise que son action relève de sa compétence en vertu de l’art. 7 de la loi CITES, en particulier la loi du 28 juillet 1981. Il mentionne également la peine applicable, à savoir une peine d’emprisonnement de 6 mois à 5 ans et/ou une amende de 26 à 50 000 euros (x décimes additionnels).


Ses constatations seront les plus précises possible, particulièrement pour ce qui concerne l’identité des personnes impliquées et l’identification du spécimen illégalement transporté. Les circonstances et le contexte de la découverte de l’infraction sont également relatés.


En outre, le verbalisant indique s’il a procédé à des saisies. Il mentionne qu’une saisie administrative n’est a priori pas déposée au greffe. En cas de saisie administrative, le propriétaire prend acte des possibilités d’appel dans son audition, c’est-à-dire qu’il dispose de 60 jours pour faire appel devant le Conseil d’Etat.



L’enquêteur procède à l’interrogatoire approfondi du suspect, en lui posant au minimum les questions suivantes :

  • Où et quand le spécimen a-t-il été acheté (les détails de son origine) ?
  • Combien a-t-il payé pour cet achat ?
  • Quels documents CITES ont-ils été demandés ?
  • Existe-t-il un registre 'IN – OFF' correctement rempli ?
  • Renonce-t-il volontairement à conserver le spécimen ?
  • Que pense-t-il faire par la suite ?


En annexe, le verbalisant ajoute un fichier photo détaillé, des copies des documents trouvés et éventuellement le courriel envoyé au service CITES.

 


Enquête approfondie


Une enquête concernant le commerce illégal d’espèces menacées est menée comme les autres recherches et enquêtes judiciaires. Tout d’abord et avant tout, l’auteur recueille les éléments de preuve utiles « à charge et à décharge ». Il détermine correctement l’espèce pour s’assurer qu’il y a bien infraction. À cette fin, il peut comparer les photos prises avec celles du service CITES. Dans les cas urgents, il peut faire appel à un responsable d’un refuge ou d’un zoo.


Le policier est compétent pour effectuer un prélèvement, d’une part pour préciser l’espèce, d’autre part pour démontrer l’existence d’une parenté déterminée. Chez les oiseaux, par exemple, il prélève deux échantillons (plumes) de chaque oiseau et les envoie à la cellule CITES pour analyse.


Outre la déclaration du suspect, le dossier comprend également l’interrogatoire des témoins et des victimes.



Une enquête de traçabilité et de téléphonie est également possible et les enquêteurs peuvent utiliser des méthodes particulières de recherche si une organisation criminelle est impliquée. Dans le cas de commerce illégal d’espèces menacées par des réseaux criminels, les bénéfices seront estimés et mentionnés dans le dossier en question. Follow the money !



Finalement, le verbalisant envoie le procès-verbal original, accompagné d’une lettre-type, au magistrat compétent et une copie à la cellule CITES. Si le Procureur du Roi n’entame pas des poursuites, il communique le dossier initial et sa décision au service juridique de la CITES Belgique aux fins d’amendes administratives.



Le service juridique établit une proposition d’amende endéans le mois après avoir été informé de la décision du parquet. La personne concernée dispose alors de 30 jours pour présenter des moyens de défense supplémentaires. Elle peut demander à exposer son point de vue lors d’un interrogatoire. Une fois la décision prise, elle devra s’acquitter de l’amende dans les 60 jours.

 

En se fondant sur des constatations rigoureuses, des recherches approfondies et une bonne coopération avec la cellule CITES, les policiers peuvent rendre beaucoup plus efficace la lutte contre le commerce illégal d’espèces menacées.



Article précédent : Commerce d’animaux et de plantes protégés : lucratif, mais souvent illégal 



Lire aussi :

Federal Unit Public Health and Environmental Crime - DJSOC / FUPHEC


Trafic d’espèces menacées : une criminalité internationale en plein essor !


Les acteurs du trafic des espèces menacées et les implications locales


La CITES, pour protéger les espèces menacées



Alain PEETERS

Premier inspecteur principal

Protection de l’environnement, Police locale de Bierbeek/Boutersem/Holsbeek/Lubbeek

Règlements en application


Sur le plan international :

CITES, Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction


En Europe 
:

28 États membres appliquent la CITES par le biais de deux règlementations de l’UE

Règlement de base (CE) n° 338/97 (règlement avec annexes 101/2012)

Règlement de mise en œuvre (CE) no 865/2006 (Règlement 100/2008)


En Belgique :

Version coordonnée de la loi du 28 juillet 1981

Interdiction de conserver des spécimens de l’annexe I
Pénalités : amendes administratives et pénales (26 à 50.000 euros)
Emprisonnement (6 mois à 5 ans)
Autorités de contrôle (article 7)


Arrêté royal du 9 avril 2003

Mise en œuvre des décisions (règlementations supplémentaires pour l’UE)
Dispositions spécifiques (p. ex. enregistrer 'IN – OFF')